Selon la défiinition de l’INSEE, un immigré est une personne née à l’étranger, dont la nationalité d’origine est étrangère. À Boulogne-Billancourt, la plus grande ville de la proche banlieue parisienne, ce n’est qu’à partir de 1911 qu'on peut dénombrer de façon précise les immigrés. En effet, avant cette date, seule la nationalité est mentionnée dans les listes nominatives des recensements et on ne peut pas, dans tous les cas, déduire le pays de naissance de la nationalité. Il y a, d'une part, une incertitude concernant le pays de naissance des femmes mariées à des étrangers, qui ont la nationalité de leur mari quel que soit leur propre pays de naissance et, d'autre part, une incertitude concernant le pays de naissance des enfants d’étrangers, qui ont la nationalité de leur père quel que soit leur propre pays de naissance.
Les immigrés ont été repérés dans leur intégralité sur les listes nominatives des cinq recensements de 1911, 1921, 1926,
1931 et 1936, puis enregistrés sur un fichier nominatif avec leurs
caractéristiques d’état-civil, leur adresse et leur profession ainsi que leur employeur pour les recensements de 1931 et 1936 et enfin le lieu de travail
pour le recensement de 1936. Les enfants des immigrés présents à Boulogne–Billancourt
lors de l'un des quatre recensements sont été également enregistrés. Les données
statistiques sur lesquelles s’appuie le présent article sont tirées de ce
fichier.
Le présent article
examine successivement le développement quantitatif de l'immigration à
Boulogne-Billancourt, l'évolution de l'origine géographique de cette
immigration puis son intégration résidentielle, matrimoniale et
professionnelle.
Un effectif de population immigrée culminant en 1931
L’évolution de
l'effectif des immigrés à Boulogne-Billancourt est la suivante
[1]:
Année de recensement
|
Effectif d’immigrés
|
Population totale
de Boulogne-Billancourt
|
Pourcentage d’immigrés
|
1891
|
1085 (estimation)
|
32569
|
3,3
|
1896
|
1121 (estimation)
|
37148
|
3,0
|
1901
|
1096 (estimation)
|
44416
|
2,5
|
1911
|
1 793
|
57 027
|
3,1
|
1921
|
2 490
|
68 008
|
3,7
|
1926
|
8 066
|
75 559
|
12,4
|
1931
|
10 066
|
86234
|
11,7
|
1936
|
9487
|
97379
|
10,3
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population 1911, 1921,1926, 1931, 1936
Jusqu’en 1921,
l’importance relative de l’immigration à Boulogne-Billancourt par rapport à la
population totale est stable, autour de 3 %.
Entre 1921 et 1926, un
accroissement très élevé du pourcentage de population immigrée, de 3,7 % à 12,4 %,
est observé. À cette époque, et jusqu'à la fin des années 30, la France est
engagée dans un processus d'accueil de l'immigration, organisé ou non organisé selon
l’origine géographique de cette immigration, mais globalement bienveillant, pour pallier le déficit de main-d'œuvre, conséquence du nombre important des morts et des blessés pendant la guerre 1914-1918.
Au cours de cette guerre et immédiatement après, des changements considérables
ont lieu en Europe : l'Empire russe s'écroule en 1917 puis l'Empire
austro-hongrois à la fin de l'année 1918. L'Empire
ottoman éclate et disparait en 1923. Ces changements entraînent des déplacements massifs
de population.
L’effectif des
immigrés culmine en valeur absolue en 1931 et en valeur relative en 1926. Il
décroit entre 1931 et 1936, en raison d’une part de la crise économique que
connaît la France à partir de 1931 et, d’autre part, des politiques visant à
freiner l’immigration et l’emploi des immigrés, qui sont mises en œuvre par les
gouvernements de la France dans les années trente.
L’effectif des enfants
d’immigrés nés en France et vivant avec leurs parents ne cesse d’augmenter entre
1921 et 1936, il est de 481 en 1921, de 1062 en 1926, de 1454 en 1931 et de
2155 en 1936
[2].
À partir de 1921, une forte diversification de l’origine
géographique des immigrés ,
On peut distinguer trois
grandes zones géographiques d’origine de l’immigration selon leur proximité
géographique de la France. Ce sont :
- L’Europe frontalière
[3]
- L’Europe extra-frontalière
[4]
- Le reste du monde (au
sens géographique y compris les départements français d'outre-mer et les
colonies françaises, les résidents originaires de ces territoires ayant été
considérés comme des immigrés dans le présent article).
Année de recensement
|
Origine géographique des immigrés
|
Europe frontalière
|
Europe extra-frontalière
|
Reste du monde
|
Total
Immigrés
|
1911
|
1491
|
186
|
116
|
1793
|
1921
|
1963
|
320
|
207
|
2490
|
1926
|
3591
|
3296
|
1179
|
8066
|
1931
|
3643
|
5310
|
1113
|
10066
|
1936
|
3136
|
4411
|
1940
|
9487
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931,1936.
L’immigration
européenne extra-frontalière, très minoritaire jusqu’en 1921, devient
numériquement presque aussi nombreuse que l‘immigration européenne frontalière en 1926, puis devient
majoritaire en 193. Elle reste la plus importante en 1936.
Seule l’immigration
extra-européenne continue à progresser en 1936, du fait principalement de
l’accroissement de l’immigration d'origine algérienne.
Si l’on examine les
effectifs par pays de naissance, on observe l’évolution suivante :
Pays de naissance des
immigrés
|
Population immigrée par
date de recensement
|
1911
|
1921
|
1926
|
1931
|
1936
|
Russie
|
59
|
100
|
1714
|
2867
|
2425
|
Italie
|
867
|
1112
|
2229
|
2517
|
1980
|
Algérie
|
1
|
37
|
178
|
175
|
919
|
Belgique
|
303
|
481
|
681
|
611
|
661
|
Pologne
|
8
|
39
|
240
|
798
|
638
|
Hongrie
|
4
|
2
|
449
|
443
|
357
|
Allemagne
|
99
|
19
|
40
|
93
|
279
|
Tchécoslovaquie
|
0
|
14
|
247
|
239
|
230
|
Suisse
|
149
|
171
|
388
|
306
|
227
|
Turquie
|
35
|
46
|
258
|
301
|
201
|
Roumanie
|
10
|
6
|
127
|
129
|
186
|
Royaume-Uni
|
47
|
62
|
166
|
168
|
159
|
Chine
|
0
|
5
|
452
|
341
|
140
|
Autres
|
211
|
396
|
897
|
1078
|
1085
|
Ensemble
|
1793
|
2490
|
8066
|
10066
|
9487
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931 et 1936.
Jusqu’en 1926, le pays
d’origine dont l’effectif d’immigrés est le plus important est l’Italie. En
1931 et en 1936, c’est désormais la Russie.
Les deux immigrations
principales (Italie et Belgique en 1911 et 1921, Italie et Russie en 1926 et
1931 et 1936) représentent 65,3 % du total de l’immigration en 1911, 63,9 %
en 1921, 48,5 % en 1926, 53,5 % en 1931 et 46,4 % en 1936.
L’immigration à Boulogne-Billancourt est donc très concentrée du point de vue
de son origine géographique. Après une diminution progressive jusqu’en 1926
cette concentration augmente de nouveau entre 1926 et 1931 du fait de
l’accroissement important de l’immigration russe. Elle diminue de nouveau entre
1931 et 1936.
En 1936, parmi les six
immigrations principales on peut distinguer les immigrations anciennes (déjà
importantes avant la première guerre mondiale) c’est-à-dire l’immigration
italienne et l’immigration belge, et les immigrations plus récentes,
postérieures à 1921, c’est-à-dire l’immigration russe, l’immigration polonaise,
l’immigration hongroise et l’immigration algérienne qui, peu importante
jusqu’en 1931, devient, en 1936, la troisième immigration derrière
l’immigration russe et l’immigration italienne. L’immigration algérienne est la
seule parmi les principales immigrations dont l’effectif croît entre 1931 et
1936.
L’effectif de l’immigration
chinoise, en cinquième position en 1926 et encore en sixième position en 1931, diminue
très fortement entre 1931 et 1936.
Si l’on définit par
communauté originaire d’un pays l’ensemble des personnes nées dans ce pays ou
dont l’un au moins des parents est né dans ce pays, on peut rechercher
l’effectif des différentes communautés :
Origine
communautaire
|
Effectif de la communauté
|
1911
|
1921
|
1926
|
1931
|
1936
|
Russie
|
71
|
116
|
1759
|
3087
|
2818
|
Italie
|
1280
|
1401
|
2806
|
3147
|
2702
|
Algérie
|
1
|
37
|
180
|
177
|
995
|
Belgique
|
407
|
538
|
822
|
772
|
930
|
Pologne
|
17
|
54
|
274
|
918
|
845
|
Hongrie
|
6
|
3
|
453
|
466
|
438
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931 et 1936.
À
Boulogne-Billancourt, jusqu’en 1931, la communauté d’origine italienne est la
plus nombreuse. Mais l’effectif de la communauté russe dépasse légèrement celui
de la communauté italienne en 1936.
Un renouvellement très important des
populations immigrées entre deux recensements
On peut examiner, à
chaque recensement, les nouveaux recensés, c’est-à-dire les personnes recensées
qui n’étaient pas présentes au recensement précédents.
Les résultats sont les
suivants :
Pays de naissance
des immigrés
|
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1926 parmi
les recensés de 1926
|
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1931 parmi
les recensés de 1931
|
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1936 parmi
les recensés de 1936
|
Ensemble
|
90,6
|
82,1
|
73,2
|
Russie
|
99
|
89,7
|
70,7
|
Italie
|
80,3
|
65,7
|
54,7
|
Algérie
|
100
|
100
|
99
|
Belgique
|
85,2
|
68,8
|
72,2
|
Pologne
|
96,7
|
95,6
|
77,9
|
Hongrie
|
99
|
85,7
|
66,9
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1921, 1926, 1931 et 1936.
Le renouvellement des
populations immigrées est extrêmement important entre deux recensements pendant
la période de l’entre-deux-guerres. La population la moins instable est celle
des immigrés italiens. La population des immigrés italiens et belges commence à
se stabiliser entre 1926 et 1931. Celle des immigrés russes polonais et
hongrois entre 1931 et 1936. La population des immigrés algériens est extrêmement
volatile, elle ne se fixe pas pendant cette période.
Des immigrations comportant une proportion croissante de femmes
Les pourcentages de femmes dans la population immigrée
en 1926, 1931 et en 1936 sont les suivants selon le pays de naissance:
Pays de naissance
des immigrés
|
Pourcentage de
femmes
dans
la population
immigrée
en 1926
|
Pourcentage de
femmes
dans
la population
immigrée
en 1931
|
Pourcentage de
femmes
dans
la population
immigrée
en 1936
|
Ensemble
|
29,6
|
34,2
|
39,6
|
Russie
|
20,8
|
30,8
|
39,3
|
Italie
|
36,2
|
35
|
43,1
|
Algérie
|
4
|
8,5
|
6,2
|
Belgique
|
42,1
|
47,2
|
52
|
Pologne
|
24,5
|
35,5
|
44,7
|
Hongrie
|
24,8
|
34,5
|
40,9
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1931 et 1936.
Les principales immigrations sont des immigrations mixtes à l’exception de l’immigration
algérienne ou la proportion de femmes est très faible. Dans toutes les
immigrations sauf l’immigration algérienne, le pourcentage de femmes est plus
élevé en 1931 qu’en 1926 et en 1936 qu’en 1931. Les mixités les plus
importantes s’observent dans les immigrations les plus anciennes de Boulogne-Billancourt
c’est-à-dire l’immigration belge et l’immigration italienne.
Entre 1926 à 1936, l’immigration algérienne reste
essentiellement une immigration d’hommes seuls, célibataires ou mariés et partis
en laissant leur femme en Algérie (le recensement ne permet pas de les
distinguer).
Une lente dilution de l'implantation résidentielle de l’immigration
En 1911, 50,9 %
des immigrés résident dans 11 rues de Boulogne-Billancourt, en 1921, 50,1 %
résident dans 13 rues, en 1926, 50,8 % dans 15 rues, en 1931, 50,7 %
dans 18 rues de la ville et, en 1936, 50,8 % dans 21 rues de la ville.
La concentration résidentielle
diminue donc au fil du temps de façon continue mais assez lente entre 1911
et 1936.
En 1936, la
répartition des immigrés par rue de résidence est la suivante :
Rues de
Boulogne-Billancourt
|
Nombre d’immigrés en
1936
|
Jean Jaurès b
|
452
|
Menus
|
320
|
Aguesseau
|
316
|
Saint Cloud
|
307
|
Damiens
|
273
|
Moulineaux
|
248
|
Édouard Vaillant a
|
231
|
La Rochefoucauld
|
225
|
Traversière
|
220
|
Point du jour
|
218
|
Bellevue
|
215
|
Victor Hugo a
|
205
|
France mutualiste
|
198
|
Nationale
|
191
|
Thiers
|
190
|
Silly
|
177
|
Vieux pont de Sèvres
|
176
|
Gallieni
|
171
|
Billancourt
|
167
|
Meudon
|
166
|
Georges Sorel
|
160
|
Autres
|
4662
|
Source : Archives
municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des
recensements de la population en 1936
Dans ces rues, il y a
à la fois des rues du quartier de Billancourt, au sud de la ville, et des rues
du quartier de Boulogne, au nord de la ville.
On peut mesurer la
concentration de l’implantation résidentielle d’une immigration par le nombre
de rues les plus habitées par les immigrés considérés, et qui regroupent 50 %
de cette immigration.
Examinons la concentration résidentielle en 1936 des
principales immigrations.
L’immigration la plus concentrée du point de vue résidentiel est l'immigration algérienne. 53 % des immigrés algériens résident dans cinq rues de situées au sud de la ville dans le quartier Billancourt. En 1936, c’est encore une immigration récente.
Par ordre de concentation on trouve ensuite les italiens .51 % des immigrés italiens résident dans 10 rues, situées au nord de la ville principalement dans le quartier des Menus, dans la rue des Menus et les rues avoisinantes. L’immigration italienne de Boulogne-Billancourt est très ancienne. Elle date de 1871, quand une centaine d’immigrés italiens habitant auparavant à Saint-Cloud se réfugient à Boulogne-Billancourt dans le quartier des Menus suite à l’incendie de Saint Cloud perpétré par les Allemands. Cette immigration s’est poursuivie et développée sans discontinuer depuis cette date. Malgré son ancienneté, l’immigration italienne est restée concentrée jusqu'en 1936 autour de son noyau initial. On peut véritablement parler d’un quartier italien à Boulogne-Billancourt.
50,6 % des immigrés polonais résident dans 11 rues de la ville situées dans le quartier de Billancourt.
51,5 % des immigrés hongrois résident dans 12 rues de la ville également situées dans le quartier de Billancourt.
51% des immigrés
russes résident dans 16 rues de la ville, essentiellement situées dans le
quartier de Billancourt. L’église russe Saint Nicolas est construite en 1927 au
132b de la rue du Point du jour en plein centre du quartier Billancourt.
50,4 % des immigrés
belges résident dans 16 rues réparties sur l’ensemble du territoire de la
ville.
Une endogamie communautaire très élevée dans la plupart des immigrations
L’endogamie communautaire
est le fait pour un immigré(e) d'épouser une personne de même communauté
d’origine que lui (ou elle) c’est-à-dire un(e) conjoint(e) né(e) dans le même
pays lui (ou elle) ou dont l’un au moins des parents est né dans ce pays
[5].
En 1936, on peut
mesurer le taux d’endogamie communautaire pour chacune des immigrations
principales de Boulogne-Billancourt,
En 1936, l’endogamie communautaire
des immigrés est très élevée dans quatre des six immigrations principales, elle
est de 81,9 % chez les immigrés russes, 83,1 % chez les immigrés italiens,
76,2 % chez les immigrés polonais 80,6 % chez les immigrés hongrois,
mais elle est seulement de 49,3 % chez les immigrés belges et de 36,5 % chez
les immigrés algériens (taux calculé sur un nombre peu élevé d’immigrés
algériens mariés donc peu significatif)
La moindre endogamie
communautaire des immigrés belges par rapport aux immigrés russes, italiens, polonais ou hongrois peut d’expliquer par le
fait que de nombreux belges sont francophones et qu'ils peuvent, de ce fait, plus
facilement épouser une française ou un français. L’endogamie communautaire plus
faible des immigrés algériens peut aussi s’expliquer par le fait que beaucoup d’entre
eux comprennent et parlent le français malgré le faible taux de scolarisation
en français des enfants en Algérie.
En ce qui concerne la seconde génération, c’est-à-dire les
enfants d’immigrés nés en France, seuls les enfants d’immigrés italiens mariés sont
suffisamment nombreux pour qu’on puisse mesurer significativement le taux
d’endogamie communautaire. En 1936, il est très élevé, soit 80,9 %, ce qui est le
signe d’une vie communautaire intense.
Un taux d’activité très élevé chez
les immigrés mais plus faible et plus sensible à la conjoncture économique chez
les immigrées
Les taux d’activité
observés lors des recensements de 1911 à 1936 sont les suivants :
|
Taux d’activité en % des immigrés de plus de 13
ans
|
|
1911
|
1921
|
1926
|
1931
|
1936
|
Hommes
|
89,3
|
84,7
|
88
|
89,2
|
84,7
|
Femmes
|
54,8
|
28,2
|
36,2
|
40,9
|
35,8
|
Source : Archives municipales de
Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements
de la population en 1911, 1921, 1926, 1931 et 1936.
Les deux crises
économiques, celle de la période 1920-1921 et celle des années trente, ont un
effet sensible sur le taux d’activité des immigrées. En revanche elles n’ont
qu’un effet beaucoup plus limité sur le taux d’activité des immigrés de sexe
masculin qui montrent une grande capacité d’adaptation pour conserver leur
emploi ou en trouver un autre.
En 1936, le taux
d’activité des immigrés et des immigrées est le suivant selon le pays de
naissance :
Pays de naissance des immigrés
|
Taux d’activité
des hommes
de plus de13 ans
en 1931
|
Taux d’activité
des hommes
de plus de 13 ans
en 1936
|
Taux d’activité des femmes de plus de 13 ans
en 1931
|
Taux d’activité des femmes
de plus de 13 ans en 1936
|
Russie
|
90,5
|
84,3
|
35,6
|
32,5
|
Italie
|
88,8
|
86,8
|
46,1
|
45,3
|
Algérie
|
87,4
|
82,6
|
Non significatif
|
35,1
|
Belgique
|
89,6
|
87,4
|
37,8
|
35,0
|
Pologne
|
91,5
|
81,8
|
60
|
45
|
Hongrie
|
88
|
89,8
|
41,9
|
30,6
|
Source : Archives municipales de
Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en
1931et 1936.
Le taux d’activité des
immigrés de sexe masculin est très élevé quel que soit le pays de naissance.
Chez les femmes il est plus faible mais avec des disparités selon le pays de
naissance. En 1931 et 1936, il faut noter le taux d’activité élevé des
immigrées polonaises par rapport aux immigrées d’autres origines.
La crise économique
des années trente a un effet négatif sur le taux d’activité des immigrés et des
immigrées quelle que soit leur origine sauf sur celui des immigrés originaires
de Hongrie.
En 1936, le recensement
mentionne, mais de façon non systématique, le lieu de travail. Parmi les
emplois d’immigrés dont le lieu est mentionné, 62,8% sont situés à
Boulogne-Billancourt. Parmi les autres lieux d’emploi on trouve majoritairement
Paris.
Une proportion d’emplois qualifiés
très dépendante de l’origine géographique des immigrés
Si l’on examine, en 1931 et 1936, le pourcentage d’emplois qualifiés de l’artisanat,
du commerce, des de l’industrie ou des professions libérales dans la population
active des immigrés on a les résultats suivants
[6] :
Pays de naissance
des immigrés
|
Pourcentage d’emplois
qualifiés en 1926
|
Pourcentage d’emplois
qualifiés en 1931
|
Pourcentage d’emplois
qualifiés en 1936
|
Ensemble
|
60
|
45,6
|
50
|
Russie
|
48,2
|
34,7
|
41,7
|
Italie
|
67,2
|
65,5
|
63,8
|
Algérie
|
Non significatif
|
12,8
|
20,6
|
Belgique
|
70,4
|
65
|
59,1
|
Pologne
|
50,5
|
26,4
|
33,9
|
Hongrie
|
80
|
77
|
81,8
|
Source :
Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes
nominatives des recensements de la population en 1926, 1931, et 1936.
Les immigrés ayant le plus
accès à l’emploi qualifié de l’artisanat du commerce ou de l’industrie ou sont
dans l’ordre les immigrations hongroise, italienne, belge. Les immigrés russes
et polonais algériens ont moins accès à l’emploi qualifié que l’ensemble des
immigrés. Les immigrés algériens ont peu accès à l’emploi qualifié.
On peut rechercher le
pourcentage d’immigrés actifs non qualifiés lors d’un recensement et actifs au
recensement suivant, qui exercent un emploi qualifié lors du recensement
suivant. Le pourcentage est de 30 % entre 1921 et 1926, de 29 % entre 1931 et
1936 et de 17,2 % entre 1931 et 1936. La crise économique des années trente
réduit donc fortement les possibilités d’accession à un emploi qualifié pour
les non qualifiés.
Une proportion de travailleurs indépendants
faible mais croissante entre en 1931 et 1936
Les recensements indiquent le statut professionnel (patron
ou non) des immigrés recensés.
Les pourcentage de
travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise,
professions libérales) chez les immigrés en 1931 et 1936 sont les suivants :
Pays de naissance
des immigrés
|
Pourcentage de
travailleurs indépendants en 1931
|
Pourcentage de
travailleurs indépendants en 1936
|
Ensemble
|
5
|
9,2
|
Russie
|
4,7
|
8,4
|
Italie
|
4,4
|
7,7
|
Algérie
|
3
|
2,5
|
Belgique
|
7,3
|
11,3
|
Pologne
|
4,9
|
12,3
|
Hongrie
|
1,6
|
11,4
|
Source : Archives municipales de
Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en
1931et 1936.
Entre 1931 et 1936, la
croissance de la proportion de travailleurs indépendants s’observe chez les
immigrés des principales origines sauf chez les immigrés algériens. La plus
forte proportion d’actifs indépendants s’observe chez les immigrés belges. La
croissance de l’importance relative peut s’interpréter comme une alternative à la
diminution de l’offre d’emplois salariés du fait de la crise économique.
Des artistes, musiciens et écrivains
immigrés majoritairement originaires de Russie
En 1936, 114 artistes,
musiciens, ou écrivains immigrés sont recensés à Boulogne-Billancourt. La moitié
d’entre eux vient de Russie. Parmi eux on compte douze hommes ou femmes de
lettres. En 1931, il y en avait déjà cinq. La plus connue, la femme de lettres
Nina Berberova est recensée en 1931, rue des Quatre cheminées située dans la
quartier de Billancourt. Elle évoquera la vie des immigré russes dans ce
quartier dans son récit Chroniques de Billancourt[7].
En 1936, il y aussi 15
sculpteurs et 3 artistes peintres italiens. La présence de sculpteurs est à
relier avec la tradition du travail du marbre qui existe en Toscane.
Une répartition des activités dépendant de l'origine géographique des
immigrés
On peut examiner la répartition des activités dans les principales immigration:
En 1936, deux
activités concentrent 53 % de l’activité totale des immigrés russes actifs
de sexe masculin, ce sont les activités de manœuvre ou d’ouvrier non qualifié
pour 28,3 % et de chauffeur d’automobiles (taxis, voitures de place ou
véhicules d’entreprise) pour 24,7 %. Cette spécialisation des russes dans
cette activité est remarquable car la proportion de chauffeurs dans l’ensemble
des immigrés actifs n’est que de 7 %. L’image de l’émigré russe chauffeur de
taxi a perduré jusqu’à maintenant.
Chez les immigrées
russes quatre activités concentrent 56 % de l’activité totale, les
couturières pour 20,3 %, les employées pour 14 %, les domestiques
12,7 %, les manœuvres ou ouvrières non qualifiées 10 %.
En 1936, quatre
activités concentrent 53,9 % de l’activité totale des immigrés italiens
actifs de sexe masculin, les maçons et cimentiers pour 31 %, les manœuvres
pour 9,8 % pour les fumistes pour
6,6 % et les
mécaniciens 6,5 %. La présence des italiens dans le secteur du bâtiment
est très ancienne et date du début de l’implantation de l’immigration en 1871.
50,7 % des
immigrées italiennes actives sont des blanchisseuses. Cet emploi des immigrées
italiennes dans la blanchisserie est très ancien. Antérieurement la
proportion de blanchisseuses parmi les immigrées italiennes actives était
encore supérieure, 70 % par exemple en 1911.
En 1936, 68 % des
immigrés algériens de sexe masculin sont manœuvres ou ouvriers spécialisés. Les
immigrées algériennes sont trop peu nombreuses pour que la répartition
professionnelle soit significative.
En 1936, 24,2 %
des immigrés belges actifs sont des ouvriers qualifiés de la
métallurgie, 11,7 % sont des manœuvres ou ouvriers non qualifiés,
6,4 % des employés, 4 % des chauffeurs.18,7% des immigrées belges
actives sont des manœuvres ou ouvrières non qualifiées, 18,7 % des
domestiques (y compris concierges) 16,1 % des employées.
46,7 % des
immigrés polonais sont des manœuvres ou des ouvriers non qualifiés et
9,4 % des ouvriers qualifiés de la métallurgie. 38,2% des immigrées
polonaises sont des domestiques et 21,1% des manœuvres ou ouvrières non qualifiées
40,4 % des
immigrés hongrois actifs sont des ouvriers qualifiés de l’industrie mécanique
et 8,4% des manœuvres ou ouvriers non qualifiés. 30,2 % des immigrées
hongroises actives sont des couturières, 14 % des domestiques, 7 %
des employées.
Une mobilité géographique plus élevée
chez les immigrés actifs non qualifiés que chez les qualifiés
On peut rechercher le
pourcentage d’immigrés actifs non qualifiés et qualifiés présents à un
recensement et absents au recensement suivant :
Type d’emploi
|
Pourcentage de
départs
entre 1921 et 1926
|
Pourcentage de
départs
entre 1926 et 1931
|
Pourcentage de
départs
entre 1931 et 1936
|
Non qualifiés
|
74,7
|
80,8
|
77,7
|
Qualifiés
|
64,6
|
75
|
8,5
|
Source : Archives municipales de
Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en
1921, 1926,1931 et 1936.
Jusqu’en 1931 la
mobilité géographique est très élevée à la fois chez les immigrés actifs non
qualifiés et chez les immigrés actifs qualifiés. En revanche entre 1931 et
1936, les immigrés qui ont un emploi qualifié deviennent beaucoup moins mobiles
alors que ceux qui ont un emploi non qualifié ont toujours une mobilité
importante. On peut formuler deux hypothèses pour expliquer à la diminution de
la mobilité chez les immigrés actifs qualifiés, le fait qu’ils sont moins
touchés par les licenciements et, d’autre part, et le fait qu’ils sont moins
enclins à la mobilité géographique et cherchent à garder leur emploi qualifié.
Des pertes d’emploi plus fréquentes
dans la période 1931-1936 que dans la période 1926-1931
Parmi les immigrés
actifs en 1926, on peut rechercher ceux qui, présents en 1926, n’ont plus
d’emploi en 1931 et parmi les immigrés actifs en 1931 on peut rechercher ceux
qui présents en 1931 n’ont plus d’emploi en 1936. Ces pertes d’emploi des
immigrés sont évidemment très inférieures aux pertes d’emploi réelles qui
comprennent aussi celles de ceux qui ont quitté Boulogne-Billancourt après la
perte d’emploi.
En pourcentage les
résultats sont les suivants :
Degré de
qualification des immigrés
|
Pourcentage
d’immigrés actifs en 1926 présents en 1931
et devenus sans
emploi
|
Pourcentage
d’immigrés actifs en 1931 présents en 1936
et devenus sans
emploi
|
Non qualifiés
|
10,6
|
12,9
|
Qualifiés
|
6,8
|
9,8
|
Ensemble
|
8,2
|
11,3
|
Source : Archives municipales de
Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en
1931et 1936.
La probabilité de
perdre son emploi augmente dans la période 1931-1936 par rapport à la période
1926-1931 dans toutes les principales immigrations de Boulogne-Billancourt.
C’est là un des effets de la crise économique.
Au cours des deux
périodes 1926-1931 et 1931-1936, les pertes d’emploi des immigrés présents aux
deux recensements sont plus fréquentes chez les non qualifiés.
Des employeurs très nombreux dont un
employeur très important
En 1936, les
employeurs des immigrés mentionnés par le recensement, sans compter les
indépendants, sont très nombreux, de l’ordre de 1800.
Un employeur, Renault
emploie 35,7% des immigrés résidents à Boulogne-Billancourt en 1931 et encore 22,5% en
1936. Les immigrés russes très présents chez Renault en 1931, au nombre de 591,
le sont beaucoup moins en 1936 soit 150.
En 1936, parmi les plus
gros employeurs, autres que Renault on trouve des entreprises de la métallurgie, Salmson, Carnaud, Citroën et une entreprise du bâtiment et des travaux publics
Vandervalle.
Un changement d’employeur plus
fréquent chez les immigrés non qualifiés que chez les qualifiés
Les recensements de 1931 et 1936 mentionnent l’employeur mais de façon non systématique.
Si l’on considère les immigrés dont l’employeur est mentionné à la fois en 1931
et 1936, on peut rechercher dans quelle proportion ils changent d’employeur. Le
changement d’employeur est très fréquent il a lieu dans 56,7 % des cas
chez les non qualifiés et dans 45,6 % des cas chez les qualifiés.
Conclusion
À partir de 1921, on
assiste à une transformation profonde de l'immigration à Boulogne-Billancourt.
Le développement quantitatif de l'immigration s'accompagne d'une
diversification de l'origine géographique des immigrés avec, principalement,
une montée en puissance de l'immigration russe et d’autres pays de l’Europe
orientale puis, plus tardivement, de l’immigration algérienne, même si les
immigrations plus anciennes, comme les immigrations italienne et belge restent
très présentes. Les immigrations nouvelles, russe, algérienne, polonaise et hongroise
s'implantent dans la partie sud de la ville, à Billancourt où se trouve
la plupart des sites industriels. Avec la crise des
années trente, le taux d’activité des immigrés de Boulogne-Billancourt diminue mais conserve un niveau relativement
élevé. Les immigrations nouvelles accèdent moins à l'emploi qualifié de
l’artisanat, du commerce, de l’industrie ou des professions libérales que les immgrations plus
anciennes, à l'exception cependant de l'immigration hongroise.
[1] De 1891
à 1901 il s’agit d’une estimation du nombre d’immigrés à partir du nombre
d’étrangers. Dans toute la suite de l’article
les statistiques relatives à l’immigration commencent en 1911.
[2] Le décompte inclut les enfants ayant un ou deux
parents immigrés. Le décompte ne comprend pas les enfants d’immigrés adultes
nés en France vivant en dehors du domicile de leurs parents car dans ce cas on ne connaît
pas, d’après le recensement, l’origine des parents.
[3] Il s’agit des pays ayant une frontière
terrestre avec la France. La république de San-Marin enclavée dans l’Italie,
pays frontalier a,
par exception, été assimilée à l’Italie dans les décomptes par
origine géographique.
[4] La Russie a été incluse dans cette zone, y compris sa partie
asiatique.
[5] Le mariage peut avoir eu lieu avant ou après
l’émigration vers la France.
[6] Les emplois non qualifiés sont les emplois de
manœuvres, de magasiniers, de manutentionnaires, d’ouvriers non qualifiés et
d’employés non qualifiés de l’artisanat de l’industrie et du commerce. Les
activités de blanchisseuse, de marchand forain, de conducteur de taxi ont
également étés considérés dans cet article comme étant des emplois non qualifiés.
[7] Berberova Nina, Chroniques de Billancourt, Éditions Actes Sud, 1992, Arles.
I
x
Quelq'un aurait t'il des renseignements sur la famille isingrini émigré de bocollo en Emilie Romagne à Boulogne Billancourt en France
RépondreSupprimerD'après ma recherche les Isingrini qui sont venus à Boulogne-Billancourt étaient surtout originaires de Farini d'Olmo en Émilie Romagne, certains de Ferrière ou de Bardi, la plus ancienne était née en 1851
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