dimanche 27 janvier 2019

L'immigration à Boulogne-Billancourt de 1911 à 1936

Selon la défiinition de l’INSEE, un immigré est une personne née à l’étranger, dont la nationalité d’origine est étrangère. À Boulogne-Billancourt, la plus grande ville de la proche banlieue parisienne, ce n’est qu’à partir de 1911 qu'on peut dénombrer de façon précise les immigrés. En effet, avant cette date, seule la nationalité est mentionnée dans les listes nominatives des recensements et on ne peut pas, dans tous les cas, déduire le pays de naissance de la nationalité. Il y a, d'une part, une incertitude concernant le pays de naissance des femmes mariées à des étrangers, qui ont la nationalité de leur mari quel que soit leur propre pays de naissance et, d'autre part, une incertitude concernant le pays de naissance des enfants d’étrangers, qui ont la nationalité de leur père quel que soit leur propre pays de naissance.
Les immigrés ont été repérés dans leur intégralité sur les listes nominatives des cinq recensements de 1911, 1921, 1926, 1931 et 1936, puis enregistrés sur un fichier nominatif avec leurs caractéristiques d’état-civil, leur adresse et leur profession ainsi que leur employeur pour les recensements de 1931 et 1936 et enfin le lieu de travail pour le recensement de 1936. Les enfants des immigrés présents à Boulogne–Billancourt lors de l'un des quatre recensements sont été également enregistrés. Les données statistiques sur lesquelles s’appuie le présent article sont tirées de ce fichier.
Le présent article examine successivement le développement quantitatif de l'immigration à Boulogne-Billancourt, l'évolution de l'origine géographique de cette immigration puis son intégration résidentielle, matrimoniale et professionnelle. 

Un effectif de population immigrée culminant en 1931 


L’évolution de l'effectif des immigrés à Boulogne-Billancourt est la suivante[1]:

Année de recensement
Effectif d’immigrés
Population totale
de Boulogne-Billancourt
Pourcentage d’immigrés
1891
1085 (estimation)
32569
3,3
1896
1121 (estimation)
37148
3,0
1901
1096 (estimation)
44416
2,5
1911
1 793
57 027
3,1
1921
2 490
68 008
3,7
1926
8 066
75 559
12,4
1931
10 066
86234
11,7
1936
9487
97379
10,3

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population 1911, 1921,1926, 1931, 1936


Jusqu’en 1921, l’importance relative de l’immigration à Boulogne-Billancourt par rapport à la population totale est stable, autour de 3 %.
Entre 1921 et 1926, un accroissement très élevé du pourcentage de population immigrée, de 3,7 % à 12,4 %, est observé. À cette époque, et jusqu'à la fin des années 30, la France est engagée dans un processus d'accueil de l'immigration, organisé ou non organisé selon l’origine géographique de cette immigration, mais globalement bienveillant, pour pallier le déficit de main-d'œuvre, conséquence du nombre important des morts et des blessés pendant la guerre 1914-1918. Au cours de cette guerre et immédiatement après, des changements considérables ont lieu en Europe : l'Empire russe s'écroule en 1917 puis l'Empire austro-hongrois à la fin de l'année 1918. L'Empire ottoman éclate et disparait en 1923. Ces changements entraînent des déplacements massifs de population.
L’effectif des immigrés culmine en valeur absolue en 1931 et en valeur relative en 1926. Il décroit entre 1931 et 1936, en raison d’une part de la crise économique que connaît la France à partir de 1931 et, d’autre part, des politiques visant à freiner l’immigration et l’emploi des immigrés, qui sont mises en œuvre par les gouvernements de la France dans les années trente.

L’effectif des enfants d’immigrés nés en France et vivant avec leurs parents ne cesse d’augmenter entre 1921 et 1936, il est de 481 en 1921, de 1062 en 1926, de 1454 en 1931 et de 2155 en 1936[2].

 À partir de 1921, une forte diversification de l’origine géographique des immigrés ,


On peut distinguer trois grandes zones géographiques d’origine de l’immigration selon leur proximité géographique de la France. Ce sont :
- L’Europe frontalière [3]
- L’Europe extra-frontalière[4] 
- Le reste du monde (au sens géographique y compris les départements français d'outre-mer et les colonies françaises, les résidents originaires de ces territoires ayant été considérés comme des immigrés dans le présent article).

Année de recensement
Origine géographique des immigrés
Europe frontalière
Europe extra-frontalière
Reste du monde
Total
Immigrés
1911
1491
186
116
1793
1921
1963
320
207
2490
1926
3591
3296
1179
8066
1931
3643
5310
1113
10066
1936
3136
4411
1940
9487

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931,1936.

L’immigration européenne extra-frontalière, très minoritaire jusqu’en 1921, devient numériquement presque aussi nombreuse que l‘immigration européenne frontalière en 1926, puis devient majoritaire en 193. Elle reste la plus importante en 1936.
Seule l’immigration extra-européenne continue à progresser en 1936, du fait principalement de l’accroissement de l’immigration d'origine algérienne.
Si l’on examine les effectifs par pays de naissance, on observe l’évolution suivante :

Pays de naissance des immigrés
Population immigrée par date de recensement

1911
1921
1926
1931
1936
Russie
59
100
1714
2867
2425
Italie
867
1112
2229
2517
1980
Algérie
1
37
178
175
919
Belgique
303
481
681
611
661
Pologne
8
39
240
798
638
Hongrie
4
2
449
443
357
Allemagne
99
19
40
93
279
Tchécoslovaquie
0
14
247
239
230
Suisse
149
171
388
306
227
Turquie
35
46
258
301
201
Roumanie
10
6
127
129
186
Royaume-Uni
47
62
166
168
159
Chine
0
5
452
341
140
Autres
211
396
897
1078
1085
Ensemble
1793
2490
8066
10066
9487

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931 et 1936.

Jusqu’en 1926, le pays d’origine dont l’effectif d’immigrés est le plus important est l’Italie. En 1931 et en 1936, c’est désormais la Russie.
Les deux immigrations principales (Italie et Belgique en 1911 et 1921, Italie et Russie en 1926 et 1931 et 1936) représentent 65,3 % du total de l’immigration en 1911, 63,9 % en 1921, 48,5 % en 1926, 53,5 % en 1931 et 46,4 % en 1936. L’immigration à Boulogne-Billancourt est donc très concentrée du point de vue de son origine géographique. Après une diminution progressive jusqu’en 1926 cette concentration augmente de nouveau entre 1926 et 1931 du fait de l’accroissement important de l’immigration russe. Elle diminue de nouveau entre 1931 et 1936.
En 1936, parmi les six immigrations principales on peut distinguer les immigrations anciennes (déjà importantes avant la première guerre mondiale) c’est-à-dire l’immigration italienne et l’immigration belge, et les immigrations plus récentes, postérieures à 1921, c’est-à-dire l’immigration russe, l’immigration polonaise, l’immigration hongroise et l’immigration algérienne qui, peu importante jusqu’en 1931, devient, en 1936, la troisième immigration derrière l’immigration russe et l’immigration italienne. L’immigration algérienne est la seule parmi les principales immigrations dont l’effectif croît entre 1931 et 1936.
L’effectif de l’immigration chinoise, en cinquième position en 1926 et encore en sixième position en 1931, diminue très fortement entre 1931 et 1936.

Si l’on définit par communauté originaire d’un pays l’ensemble des personnes nées dans ce pays ou dont l’un au moins des parents est né dans ce pays, on peut rechercher l’effectif des différentes communautés :

Origine
communautaire
Effectif de la communauté
1911
1921
1926
1931
1936
Russie
71
116
1759
3087
2818
Italie
1280
1401
2806
3147
2702
Algérie
1
37
180
177
995
Belgique
407
538
822
772
930
Pologne
17
54
274
918
845
Hongrie
6
3
453
466
438

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1911, 1921,1926, 1931 et 1936.

À Boulogne-Billancourt, jusqu’en 1931, la communauté d’origine italienne est la plus nombreuse. Mais l’effectif de la communauté russe dépasse légèrement celui de la communauté italienne en 1936.

 Un renouvellement très important des populations immigrées entre deux recensements


On peut examiner, à chaque recensement, les nouveaux recensés, c’est-à-dire les personnes recensées qui n’étaient pas présentes au recensement précédents.
Les résultats sont les suivants :


Pays de naissance
des immigrés
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1926 parmi
les recensés de 1926
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1931 parmi
les recensés de 1931
Pourcentage de nouveaux recensés
en 1936 parmi
les recensés de 1936
Ensemble
90,6
82,1
73,2
Russie
99
89,7
70,7
Italie
80,3
65,7
54,7
Algérie
100
100
99
Belgique
85,2
68,8
72,2
Pologne
96,7
95,6
77,9
Hongrie
99
85,7
66,9

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1921, 1926, 1931 et 1936.


Le renouvellement des populations immigrées est extrêmement important entre deux recensements pendant la période de l’entre-deux-guerres. La population la moins instable est celle des immigrés italiens. La population des immigrés italiens et belges commence à se stabiliser entre 1926 et 1931. Celle des immigrés russes polonais et hongrois entre 1931 et 1936. La population des immigrés algériens est extrêmement volatile, elle ne se fixe pas pendant cette période.

Des immigrations comportant une proportion croissante de femmes


Les pourcentages de femmes dans la population immigrée en 1926, 1931 et en 1936 sont les suivants selon le pays de naissance:

Pays de naissance
des immigrés
Pourcentage de femmes
dans
la population
immigrée
en 1926
Pourcentage de femmes
dans
la population immigrée
en 1931
Pourcentage de femmes
dans
la population
immigrée
en 1936
Ensemble
29,6
34,2
39,6
Russie
20,8
30,8
39,3
Italie
36,2
35
43,1
Algérie
4
8,5
6,2
Belgique
42,1
47,2
52
Pologne
24,5
35,5
44,7
Hongrie
24,8
34,5
40,9

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1931 et 1936.


Les principales immigrations sont des immigrations mixtes à l’exception de l’immigration algérienne ou la proportion de femmes est très faible. Dans toutes les immigrations sauf l’immigration algérienne, le pourcentage de femmes est plus élevé en 1931 qu’en 1926 et en 1936 qu’en 1931. Les mixités les plus importantes s’observent dans les immigrations les plus anciennes de Boulogne-Billancourt c’est-à-dire l’immigration belge et l’immigration italienne.
Entre 1926 à 1936, l’immigration algérienne reste essentiellement une immigration d’hommes seuls, célibataires ou mariés et partis en laissant leur femme en Algérie (le recensement ne permet pas de les distinguer).

 Une lente dilution de l'implantation résidentielle de l’immigration 


En 1911, 50,9 % des immigrés résident dans 11 rues de Boulogne-Billancourt, en 1921, 50,1 % résident dans 13 rues, en 1926, 50,8 % dans 15 rues, en 1931, 50,7 % dans 18 rues de la ville et, en 1936, 50,8 % dans 21 rues de la ville.
La concentration résidentielle diminue donc au fil du temps de façon continue mais assez lente entre 1911 et 1936.

En 1936, la répartition des immigrés par rue de résidence est la suivante :

Rues de Boulogne-Billancourt
Nombre d’immigrés en 1936
Jean Jaurès b
452
Menus
320
Aguesseau
316
Saint Cloud
307
Damiens
273
Moulineaux
248
Édouard Vaillant a
231
La Rochefoucauld
225
Traversière
220
Point du jour
218
Bellevue
215
Victor Hugo a
205
France mutualiste
198
Nationale
191
Thiers
190
Silly
177
Vieux pont de Sèvres
176
Gallieni
171
Billancourt
167
Meudon
166
Georges Sorel
160
Autres
4662

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1936

Dans ces rues, il y a à la fois des rues du quartier de Billancourt, au sud de la ville, et des rues du quartier de Boulogne, au nord de la ville.
On peut mesurer la concentration de l’implantation résidentielle d’une immigration par le nombre de rues les plus habitées par les immigrés considérés, et qui regroupent 50 % de cette immigration.
Examinons la concentration résidentielle en 1936 des principales immigrations.

L’immigration la plus concentrée du point de vue résidentiel est l'immigration algérienne. 53 % des immigrés algériens résident dans cinq rues de situées au sud de la ville dans le quartier Billancourt. En 1936, c’est encore une immigration récente. 

Par ordre de concentation on trouve ensuite les italiens .51 % des immigrés italiens résident dans 10 rues, situées au nord de la ville principalement dans le quartier des Menus, dans la rue des Menus et les rues avoisinantes. L’immigration italienne de Boulogne-Billancourt est très ancienne. Elle date de 1871, quand une centaine d’immigrés italiens habitant auparavant à Saint-Cloud se réfugient à Boulogne-Billancourt dans le quartier des Menus suite à l’incendie de Saint Cloud perpétré par les Allemands. Cette immigration s’est poursuivie et développée sans discontinuer depuis cette date. Malgré son ancienneté, l’immigration italienne est restée concentrée jusqu'en 1936 autour de son noyau initial. On peut véritablement parler d’un quartier italien à Boulogne-Billancourt.

50,6 % des immigrés polonais résident dans 11 rues de la ville situées dans le quartier de Billancourt.

51,5 % des immigrés hongrois résident dans 12 rues de la ville également situées dans le quartier de Billancourt.

51% des immigrés russes résident dans 16 rues de la ville, essentiellement situées dans le quartier de Billancourt. L’église russe Saint Nicolas est construite en 1927 au 132b de la rue du Point du jour en plein centre du quartier Billancourt.

50,4 % des immigrés belges résident dans 16 rues réparties sur l’ensemble du territoire de la ville.


Une endogamie communautaire très élevée dans la plupart des immigrations


L’endogamie communautaire est le fait pour un immigré(e) d'épouser une personne de même communauté d’origine que lui (ou elle) c’est-à-dire un(e) conjoint(e) né(e) dans le même pays lui (ou elle) ou dont l’un au moins des parents est né dans ce pays[5].
En 1936, on peut mesurer le taux d’endogamie communautaire pour chacune des immigrations principales de Boulogne-Billancourt,
En 1936, l’endogamie communautaire des immigrés est très élevée dans quatre des six immigrations principales, elle est de 81,9 % chez les immigrés russes, 83,1 % chez les immigrés italiens, 76,2 % chez les immigrés polonais 80,6 % chez les immigrés hongrois, mais elle est seulement de 49,3 % chez les immigrés belges et de 36,5 % chez les immigrés algériens (taux calculé sur un nombre peu élevé d’immigrés algériens mariés donc peu significatif)
La moindre endogamie communautaire des immigrés belges par rapport aux immigrés russes, italiens,  polonais ou hongrois peut d’expliquer par le fait que de nombreux belges sont francophones et qu'ils peuvent, de ce fait, plus facilement épouser une française ou un français. L’endogamie communautaire plus faible des immigrés algériens peut aussi s’expliquer par le fait que beaucoup d’entre eux comprennent et parlent le français malgré le faible taux de scolarisation en français des enfants en Algérie.
En ce qui concerne la seconde génération, c’est-à-dire les enfants d’immigrés nés en France, seuls les enfants d’immigrés italiens mariés sont suffisamment nombreux pour qu’on puisse mesurer significativement le taux d’endogamie communautaire. En 1936, il est très élevé, soit 80,9 %, ce qui est le signe d’une vie communautaire intense.

 Un taux d’activité très élevé chez les immigrés mais plus faible et plus sensible à la conjoncture économique chez les immigrées 


Les taux d’activité observés lors des recensements de 1911 à 1936 sont les suivants :


Taux d’activité en % des immigrés de plus de 13 ans

1911
1921
1926
1931
1936
Hommes
89,3
84,7
88
89,2
84,7
Femmes
54,8
28,2
36,2
40,9
35,8

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1911, 1921, 1926, 1931 et 1936.

Les deux crises économiques, celle de la période 1920-1921 et celle des années trente, ont un effet sensible sur le taux d’activité des immigrées. En revanche elles n’ont qu’un effet beaucoup plus limité sur le taux d’activité des immigrés de sexe masculin qui montrent une grande capacité d’adaptation pour conserver leur emploi ou en trouver un autre.
En 1936, le taux d’activité des immigrés et des immigrées est le suivant selon le pays de naissance :

Pays de naissance des immigrés
Taux d’activité
des hommes
de plus de13 ans
en 1931
Taux d’activité
des hommes
de plus de 13 ans
en 1936
Taux d’activité des femmes de plus de 13 ans
en 1931
Taux d’activité des femmes
de plus de 13 ans en 1936
Russie
90,5
84,3
35,6
32,5
Italie
88,8
86,8
46,1
45,3
Algérie
87,4
82,6
Non significatif
35,1
Belgique
89,6
87,4
37,8
35,0
Pologne
91,5
81,8
60
45
Hongrie
88
89,8
41,9
30,6

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1931et 1936.

Le taux d’activité des immigrés de sexe masculin est très élevé quel que soit le pays de naissance. Chez les femmes il est plus faible mais avec des disparités selon le pays de naissance. En 1931 et 1936, il faut noter le taux d’activité élevé des immigrées polonaises par rapport aux immigrées d’autres origines.
La crise économique des années trente a un effet négatif sur le taux d’activité des immigrés et des immigrées quelle que soit leur origine sauf sur celui des immigrés originaires de Hongrie.

En 1936, le recensement mentionne, mais de façon non systématique, le lieu de travail. Parmi les emplois d’immigrés dont le lieu est mentionné, 62,8% sont situés à Boulogne-Billancourt. Parmi les autres lieux d’emploi on trouve majoritairement Paris.


Une proportion d’emplois qualifiés très dépendante de l’origine géographique des immigrés


Si l’on examine, en 1931 et 1936, le pourcentage d’emplois qualifiés de l’artisanat, du commerce, des de l’industrie ou des professions libérales dans la population active des immigrés on a les résultats suivants [6] :


Pays de naissance
des immigrés
Pourcentage d’emplois qualifiés en 1926
Pourcentage d’emplois qualifiés en 1931
Pourcentage d’emplois qualifiés en 1936
Ensemble
60
45,6
50
Russie
48,2
34,7
41,7
Italie
67,2
65,5
63,8
Algérie
Non significatif
12,8
20,6
Belgique
70,4
65
59,1
Pologne
50,5
26,4
33,9
Hongrie
80
77
81,8

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1926, 1931, et 1936.

Les immigrés ayant le plus accès à l’emploi qualifié de l’artisanat du commerce ou de l’industrie ou sont dans l’ordre les immigrations hongroise, italienne, belge. Les immigrés russes et polonais algériens ont moins accès à l’emploi qualifié que l’ensemble des immigrés. Les immigrés algériens ont peu accès à l’emploi qualifié.

On peut rechercher le pourcentage d’immigrés actifs non qualifiés lors d’un recensement et actifs au recensement suivant, qui exercent un emploi qualifié lors du recensement suivant. Le pourcentage est de 30 % entre 1921 et 1926, de 29 % entre 1931 et 1936 et de 17,2 % entre 1931 et 1936. La crise économique des années trente réduit donc fortement les possibilités d’accession à un emploi qualifié pour les non qualifiés.

Une proportion de travailleurs indépendants faible mais croissante entre en 1931 et 1936


Les recensements indiquent le statut professionnel (patron ou non) des immigrés recensés.
Les pourcentage de travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions libérales) chez les immigrés en 1931 et 1936 sont les suivants :


Pays de naissance
des immigrés
Pourcentage de travailleurs indépendants en 1931
Pourcentage de travailleurs indépendants en 1936
Ensemble
5
9,2
Russie
4,7
8,4
Italie
4,4
7,7
Algérie
3
2,5
Belgique
7,3
11,3
Pologne
4,9
12,3
Hongrie
1,6
11,4

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1931et 1936.

Entre 1931 et 1936, la croissance de la proportion de travailleurs indépendants s’observe chez les immigrés des principales origines sauf chez les immigrés algériens. La plus forte proportion d’actifs indépendants s’observe chez les immigrés belges. La croissance de l’importance relative peut s’interpréter comme une alternative à la diminution de l’offre d’emplois salariés du fait de la crise économique.

Des artistes, musiciens et écrivains immigrés majoritairement originaires de Russie

En 1936, 114 artistes, musiciens, ou écrivains immigrés sont recensés à Boulogne-Billancourt. La moitié d’entre eux vient de Russie. Parmi eux on compte douze hommes ou femmes de lettres. En 1931, il y en avait déjà cinq. La plus connue, la femme de lettres Nina Berberova est recensée en 1931, rue des Quatre cheminées située dans la quartier de Billancourt. Elle évoquera la vie des immigré russes dans ce quartier dans son récit Chroniques de Billancourt[7].

En 1936, il y aussi 15 sculpteurs et 3 artistes peintres italiens. La présence de sculpteurs est à relier avec la tradition du travail du marbre qui existe en Toscane.

Une répartition des activités dépendant de l'origine géographique des immigrés

On peut examiner la répartition des activités dans les principales immigration:
En 1936, deux activités concentrent 53 % de l’activité totale des immigrés russes actifs de sexe masculin, ce sont les activités de manœuvre ou d’ouvrier non qualifié pour 28,3 % et de chauffeur d’automobiles (taxis, voitures de place ou véhicules d’entreprise) pour 24,7 %. Cette spécialisation des russes dans cette activité est remarquable car la proportion de chauffeurs dans l’ensemble des immigrés actifs n’est que de 7 %. L’image de l’émigré russe chauffeur de taxi a perduré jusqu’à maintenant.
Chez les immigrées russes quatre activités concentrent 56 % de l’activité totale, les couturières pour 20,3 %, les employées pour 14 %, les domestiques 12,7 %, les manœuvres ou ouvrières non qualifiées 10 %.

En 1936, quatre activités concentrent 53,9 % de l’activité totale des immigrés italiens actifs de sexe masculin, les maçons et cimentiers pour 31 %, les manœuvres pour 9,8 % pour les fumistes pour
6,6 % et les mécaniciens 6,5 %. La présence des italiens dans le secteur du bâtiment est très ancienne et date du début de l’implantation de l’immigration en 1871.
50,7 % des immigrées italiennes actives sont des blanchisseuses. Cet emploi des immigrées italiennes dans la blanchisserie est très ancien. Antérieurement la proportion de blanchisseuses parmi les immigrées italiennes actives était encore supérieure, 70 % par exemple en 1911.

En 1936, 68 % des immigrés algériens de sexe masculin sont manœuvres ou ouvriers spécialisés. Les immigrées algériennes sont trop peu nombreuses pour que la répartition professionnelle soit significative.

En 1936, 24,2 % des immigrés belges actifs sont des ouvriers qualifiés de la métallurgie, 11,7 % sont des manœuvres ou ouvriers non qualifiés, 6,4 % des employés, 4 % des chauffeurs.18,7% des immigrées belges actives sont des manœuvres ou ouvrières non qualifiées, 18,7 % des domestiques (y compris concierges) 16,1 % des employées.

46,7 % des immigrés polonais sont des manœuvres ou des ouvriers non qualifiés et 9,4 % des ouvriers qualifiés de la métallurgie. 38,2% des immigrées polonaises sont des domestiques et 21,1% des manœuvres ou ouvrières non qualifiées

40,4 % des immigrés hongrois actifs sont des ouvriers qualifiés de l’industrie mécanique et 8,4% des manœuvres ou ouvriers non qualifiés. 30,2 % des immigrées hongroises actives sont des couturières, 14 % des domestiques, 7 % des employées.

Une mobilité géographique plus élevée chez les immigrés actifs non qualifiés que chez les qualifiés


On peut rechercher le pourcentage d’immigrés actifs non qualifiés et qualifiés présents à un recensement et absents au recensement suivant :

Type d’emploi
Pourcentage de départs
entre 1921 et 1926
Pourcentage de départs
entre 1926 et 1931
Pourcentage de départs
entre 1931 et 1936
Non qualifiés
74,7
80,8
77,7
Qualifiés
64,6
75
8,5

Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1921, 1926,1931 et 1936.

Jusqu’en 1931 la mobilité géographique est très élevée à la fois chez les immigrés actifs non qualifiés et chez les immigrés actifs qualifiés. En revanche entre 1931 et 1936, les immigrés qui ont un emploi qualifié deviennent beaucoup moins mobiles alors que ceux qui ont un emploi non qualifié ont toujours une mobilité importante. On peut formuler deux hypothèses pour expliquer à la diminution de la mobilité chez les immigrés actifs qualifiés, le fait qu’ils sont moins touchés par les licenciements et, d’autre part, et le fait qu’ils sont moins enclins à la mobilité géographique et cherchent à garder leur emploi qualifié.

 

Des pertes d’emploi plus fréquentes dans la période 1931-1936 que dans la période 1926-1931


Parmi les immigrés actifs en 1926, on peut rechercher ceux qui, présents en 1926, n’ont plus d’emploi en 1931 et parmi les immigrés actifs en 1931 on peut rechercher ceux qui présents en 1931 n’ont plus d’emploi en 1936. Ces pertes d’emploi des immigrés sont évidemment très inférieures aux pertes d’emploi réelles qui comprennent aussi celles de ceux qui ont quitté Boulogne-Billancourt après la perte d’emploi.
En pourcentage les résultats sont les suivants :

Degré de qualification des immigrés
Pourcentage d’immigrés actifs en 1926 présents en 1931
et devenus sans emploi
Pourcentage d’immigrés actifs en 1931 présents en 1936
et devenus sans emploi
Non qualifiés
10,6
12,9
Qualifiés
6,8
9,8
Ensemble
 8,2
11,3


Source : Archives municipales de Boulogne-Billancourt.
Listes nominatives des recensements de la population en 1931et 1936.

La probabilité de perdre son emploi augmente dans la période 1931-1936 par rapport à la période 1926-1931 dans toutes les principales immigrations de Boulogne-Billancourt. C’est là un des effets de la crise économique.
Au cours des deux périodes 1926-1931 et 1931-1936, les pertes d’emploi des immigrés présents aux deux recensements sont plus fréquentes chez les non qualifiés.

Des employeurs très nombreux dont un employeur très important


En 1936, les employeurs des immigrés mentionnés par le recensement, sans compter les indépendants, sont très nombreux, de l’ordre de 1800.
Un employeur, Renault emploie 35,7% des immigrés résidents à Boulogne-Billancourt en 1931 et encore 22,5% en 1936. Les immigrés russes très présents chez Renault en 1931, au nombre de 591, le sont beaucoup moins en 1936 soit 150.
En 1936, parmi les plus gros employeurs, autres que Renault on trouve des entreprises de la métallurgie, Salmson, Carnaud, Citroën et une entreprise du bâtiment et des travaux publics Vandervalle.

Un changement d’employeur plus fréquent chez les immigrés non qualifiés que chez les qualifiés


Les recensements de 1931 et 1936 mentionnent l’employeur mais de façon non systématique. Si l’on considère les immigrés dont l’employeur est mentionné à la fois en 1931 et 1936, on peut rechercher dans quelle proportion ils changent d’employeur. Le changement d’employeur est très fréquent il a lieu dans 56,7 % des cas chez les non qualifiés et dans 45,6 % des cas chez les qualifiés.

 

Conclusion


À partir de 1921, on assiste à une transformation profonde de l'immigration à Boulogne-Billancourt. Le développement quantitatif de l'immigration s'accompagne d'une diversification de l'origine géographique des immigrés avec, principalement, une montée en puissance de l'immigration russe et d’autres pays de l’Europe orientale puis, plus tardivement, de l’immigration algérienne, même si les immigrations plus anciennes, comme les immigrations italienne et belge restent très présentes. Les immigrations nouvelles, russe, algérienne, polonaise et hongroise s'implantent dans la partie sud de la ville, à Billancourt où se trouve la plupart des sites industriels. Avec la crise des années trente, le taux d’activité des immigrés de Boulogne-Billancourt diminue mais conserve un niveau relativement élevé. Les immigrations nouvelles accèdent moins à l'emploi qualifié de l’artisanat, du commerce,  de l’industrie ou des professions libérales que les immgrations plus anciennes, à l'exception cependant de l'immigration hongroise.



[1] De 1891 à 1901 il s’agit d’une estimation du nombre d’immigrés à partir du nombre d’étrangers. Dans toute la  suite de l’article les statistiques relatives à l’immigration commencent en 1911.
[2] Le décompte inclut les enfants ayant un ou deux parents immigrés. Le décompte ne comprend pas les enfants d’immigrés adultes nés en France vivant en dehors du domicile de leurs parents car dans ce cas on ne connaît pas, d’après le recensement, l’origine des parents.
[3] Il s’agit des pays ayant une frontière terrestre avec la France. La république de San-Marin enclavée dans l’Italie, pays frontalier a, par exception, été assimilée à l’Italie dans les décomptes par origine géographique.
[4] La Russie a été incluse dans cette zone, y compris sa partie asiatique.
[5] Le mariage peut avoir eu lieu avant ou après l’émigration vers la France.
[6] Les emplois non qualifiés sont les emplois de manœuvres, de magasiniers, de manutentionnaires, d’ouvriers non qualifiés et d’employés non qualifiés de l’artisanat de l’industrie et du commerce. Les activités de blanchisseuse, de marchand forain, de conducteur de taxi ont également étés considérés dans cet article comme étant des emplois non qualifiés.
[7] Berberova Nina, Chroniques de Billancourt, Éditions Actes Sud, 1992, Arles.

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2 commentaires:

  1. Quelq'un aurait t'il des renseignements sur la famille isingrini émigré de bocollo en Emilie Romagne à Boulogne Billancourt en France

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    1. D'après ma recherche les Isingrini qui sont venus à Boulogne-Billancourt étaient surtout originaires de Farini d'Olmo en Émilie Romagne, certains de Ferrière ou de Bardi, la plus ancienne était née en 1851

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